PROBLÈMES DE MÉTHODOLOGIE LIÉS AU DÉPLIAGE

Les problèmes de méthodologie, propres à la région provençale, que l'on peut rencontrer si l'on veut construire une coupe équilibrée ont déjà été évoqués (TEMPIER 1988).
Ainsi, puisque le socle n'affleure pas et en l'absence de données géophysiques de subsurface, la forme exacte du toit du socle et de son tégument, ainsi que son implication éventuelle dans les mouvements tangentiels, n'est pas connue directement.
Elle s'apprécie à partir des épaisseurs supposées de la couverture et de l'interprétation que l'on se fait de l'ampleur des recouvrements.

Le mode de déformation des roches présente aussi une grande importance, dans la mesure où la construction d'une coupe équilibrée nécessite une conservation de matière au cours de la déformation.
Les phénomènes de pression-dissolution (par stylolitisation) sont très fréquents et ils remobilisent probablement une quantité appréciable de matière produisant des transferts de matière.
Dans un plan de coupe, ce transfert peut provoquer une variation de surface et peut rendre problématique l'équilibrage (MENARD 1988).
L'importance de ce changement de surface est fonction de la taille du système clos dans lequel se produisent les transferts. Si la taille du système clos est très inférieure à celle des structures, les phénomènes de pression-dissolution peuvent alors être négligés (MUGNIER Communication personnelle).

La construction de coupes équilibrées concerne généralement des régions de tectonique monophasée ou considérée comme telle (TEMPIER 1988). Or en Provence, l'existence de structurations antérieures à la mise en place des nappes est prouvée (" phases " albocénomanienne et maastrichtienne).

Habituellement, le dépliage d'une coupe équilibrée se fait en choisissant un horizon repère que l'on va suivre de l'avant-pays vers l'arrière-pays. Il faut pour cela disposer de données précises sur sa profondeur, sur toute la longueur de la coupe que l'on souhaite réaliser.
Le choix d'un unique niveau s'avère souvent très difficile et il serait nécessaire d'en changer d'un segment à l'autre d'une coupe (MUGNIER et VIALON 1986).

Le premier critère est celui de la compétence. Mais, l'horizon choisi doit présenter une déformation interne faible. Il doit aussi se présenter de la manière la plus continue possible sur toute la longueur de la coupe. Il faut donc choisir un niveau repère bien contraint cartographiquement, avec un maximum de points de contrôle.
Aucun niveau repère ne peut vraiment jouer ce rôle. Il ne peut se choisir plus bas stratigraphiquement que le Jurassique supérieur ; ces formations affleurant très localement.
Il ne peut se placer dans l'intervalle Jurassique supérieur-Crétacé moyen du fait des lacunes dues à la phase albo-cénomanienne, ainsi que de sa position basse par rapport à certaines écailles para-autochtones.
Beaucoup d'écailles para-autochtones ne contiennent pas de termes du Jurassique supérieur au Crétacé moyen. Enfin les terrains plus récents (Crétacé supérieur à Eocène) n'affleurent largement que vers l'avant-pays, dans le bassin de l'Arc ou sur les arrières de l'unité du Beausset (synclinal du Beausset).

Enfin la réalisation de coupes équilibrées au travers de structures présentant des variations latérales très rapides ne serait pas des plus judicieuses. Il faudrait en réaliser plusieurs à quelques kilomètres d'intervalle, et parfois moins, selon une direction constante correspondant à la direction de déplacement de la nappe.

La conjugaison de toutes ces raisons fait qu'il est préférable d'utiliser un dépliage cartographique, qui nous fournira plus directement une image du dispositif structural avant la mise en place de la nappe, et d'appliquer certains principes issus des coupes équilibrées pour déplier, pas à pas, les unités entraînées.
Le dépliage proposé s'affranchira dans une certaine mesure des données non connues, comme la profondeur du socle (puisqu'aucune donnée en profondeur n'est présentée).

Il faut noter que les coupes déjà réalisées et publiées présentent un degré de précision maximal, limité par les incertitudes concernant leur prolongation en profondeur.
Ainsi la morphologie précise de l'autochtone sous les unités charriées n'est pas connue avec précision ainsi que sa limite méridionale (" la rampe du mur initiale " ou la patrie de la nappe).

Dans ces conditions, il m'a paru préférable d'utiliser certaines techniques issues des coupes équilibrées pour déplier, pas à pas, les unités charriées. Cela, je l'espère, permettra de ne pas semer d'illusions sur les conditions de construction d'une coupe équilibrée et évitera toute polémique sur sa validité éventuelle.

Des coupes équilibrées ont déjà été présentées en Provence, mais en dehors du secteur étudié (TEMPIER 1987). Mais il faut noter qu'elles ont été réalisées à une échelle assez petite (le 1/100 000o), que la couverture est réduite à deux niveaux (le Jurassique et le Crétacé).

Dans notre cas, le dépliage des unités para-autochtones nécessiterait de présenter en coupe des niveaux discontinus, de faible épaisseur à l'échelle de la coupe, mais qui présentent une importance cruciale pour déterminer l'ampleur du dépliage.

D'autre part, nous ne déplions que les unités para-autochtones et non pas toutes les unités charriées.
Le dépliage s'effectuera logiquement de l'avant-pays vers l'arrière-pays, pour estimer les déplacements et les positions initiales avec une précision maximale ; le rejet des écailles les plus para-autochtones étant toujours le mieux connu.
Lors de l'avancée de la nappe de l'Etoile sur l'unité de l'Arc, des écailles ont été arrachées au substratum autochtone.
Le principe général de dépliage de ces unités consiste donc à localiser les traces de ces arrachements, et si possible en déduire la morphologie générale de l'autochtone sous le recouvrement de la nappe, en utilisant des données paléogéographiques et stratigraphiques connues (notion de bombement varois à l'Albo-Cénomanien (ROUSSET 1969) et de sillon apto-albien sur sa bordure sud-ouest (MASSE et PHILIP 1976).

Lorsque cela sera possible, nous pourrons replacer les écailles para-autochtones dans leur position originelle.
Mais de manière générale, le repositionnement de toutes les séries entraînées se fera en se repérant par rapport à l'autochtone qu'elles chevauchent et, de proche en proche, par rapport à la position des écailles précédemment dépliées pour obtenir et insérer ce dépliage dans un schéma paléogéographique cohérent, habituellement proposé.


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